Durant une minute, le silence se fait entendre dans la cour de ce lycée habituellement plein de vie. Une minute comme une pause, une minute d’hommage, une minute pour penser à ce drame, une minute durant laquelle le silence rassemble pour crier la solidarité. « C’était important d’être là tous ensemble et d’associer les élèves à ce moment d’unité et de cohésion » a exprimé Alexandre Falco, le directeur académique des services de l’Éducation nationale de la Lozère. Le préfet Philippe Castanet était également présent dans la cour du lycée Chaptal à Mende pour rappeler que « l’École est un des fondements de la République et partout sur le territoire nous ressentons la douleur de cet assassinat ».
Avant que ne débute ce temps d’hommage national, le proviseur du lycée Chaptal, Nicolas Mialon, a pris la parole pour évoquer « cet acte de barbarie qui est aussi une attaque envers l’École. La mission de vos professeurs est de vous accompagner dans votre parcours, de vous transmettre des valeurs et de vous aider à construire votre esprit critique qui permet la liberté et l’émancipation afin de devenir des citoyens éclairés ».
Durant la matinée de ce lundi si particulier (il était aussi le triste anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty), tous les professeurs des collèges et lycées de France s’étaient réunis de 8 h à 10 h à la demande du ministre de l’Éducation nationale pour échanger sur le rôle de l’enseignant et le symbole de l’École. « Ce temps d’échange a permis de rassurer certains collègues et d’évoquer ensemble la façon d’aborder ces événements avec les élèves. Ça nous a permis d’avoir une trame commune. Mais en fonction de la discipline, notamment en histoire, certains professeurs iront plus loin » confie Nicolas Mialon.
Des professeurs touchés qui ont exprimé leur vive émotion face à ce drame et qui peuvent compter sur le soutien de leurs élèves. « On ressent les élèves solidaires des enseignants, ils les soutiennent. Et puis dans cet établissement, il y a beaucoup de respect et de tolérance » a souligné le proviseur du lycée Chaptal qui a également évoqué : « Ce n’est pas parce qu’ils sont en Lozère qu’ils se sentent plus protégés qu’ailleurs. Ici, comme partout en France, notre mission est de les aider à faire face au flux constant d’information auquel ils sont soumis, pour les aider à se faire leur propre opinion ».
Pour Alexandre Falco, s’attaquer à des professeurs, « c’est s’attaquer à ceux qui enseignent parce que les savoirs permettent de s’émanciper et c’est le premier chemin d’accès à la liberté ». L’inspecteur d’académie a poursuivi en soulignant l’importance de la cohésion : « Ce genre d’attaque renforce notre conviction collective qui est qu’il faut parfois défendre ce qui a de la valeur : l’éducation, la République, la liberté… Pour cela, il faut se retrouver en cohésion ». À l’issue de la minute de silence, nous avons notamment demandé au préfet s’il y avait des fichés S en Lozère : « Je ne répondrais pas à cette question. Mais ce que je peux vous dire, c’est que nous suivons attentivement des personnes, françaises ou étrangères, qui ont des profils plus ou moins violents pour qu’il ne se produise pas en Lozère ce qui s’est produit à Arras vendredi dernier ».
Sans drapeaux, ni tracts…
Et c’est sous les fenêtres de la préfecture à 18 h, sur la place Urbain V, que deux cents personnes environ étaient elles aussi venues rendre hommage à ce professeur tué pour rien. L’intersyndicale avait appelé à ce rassemblement “sans drapeaux, sans tracts ni banderoles”, auquel des élus et anonymes ont également participé. « C’est insensé pour moi que l’on puisse être en insécurité dans des lieux publics et encore plus sur son lieu de travail » confie Véronique, psychologue, qui poursuit : « être là aujourd’hui, c’est montrer qu’on s’oppose à ce genre de tragédie et qu’on ne peut pas tolérer la violence ».
Parmi les personnes présentes, des professeurs bien sûr, comme Pierre-Louis Vacquier, enseignant de lettres et histoire en Bac pro au lycée Saint-Joseph à Marvejols. Le jeune homme de 28 ans se dit touché dans sa profession : « Vendredi, quand j’ai appris cette nouvelle, je me suis senti profondément peiné pour ce collègue. J’ai été choqué qu’après Samuel Paty et toute la prévention que nous faisons, ces drames puissent encore se produire ».
Beaucoup de professeurs nous ont fait part d’une journée lourde et pleine d’émotion. « Lors de la minute de silence, tout le monde prend acte de la gravité de ce qu’il s’est produit et du fait que ça aurait pu être n’importe lequel d’entre nous. C’est important, après ce moment, de pouvoir en parler pour ne pas laisser d’espace à des idéologies dangereuses. C’est aussi comme ça qu’on combat, par la prévention et le dialogue » insiste Pierre-Louis.
Dans la foule, Régis Sarrut, directeur de l’école des Terres Bleues est lui aussi venu en hommage et en soutien. « Nous avons été très secoués par cet assassinat. être ici, c’est aussi montrer que nous restons solide face à cette épreuve ». Avec les élèves de son école élémentaire, ils ont eu un temps d’échange et un travail de réflexion sur le vivre-ensemble. Mais trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, il regrette d’avoir à revivre ce type de moment.
« On a l’impression que l’histoire se répète. Et puis, on est dans une période délicate avec ce qu’il se passe au niveau international. La situation est préoccupante mais il faut tenter de rassurer et rester calme et serein pour avoir un cadre bienveillant pour nos élèves ».
Parmi les personnes rassemblées, il y avait aussi d’anciens enseignants qui espèrent un sursaut : « Je pense que c’est la laïcité qui dérange, et puis on a trop critiqué l’enseignement. Aujourd’hui il faut que les gens comprennent que les enseignants font leur métier correctement et que l’on peut parler de tout sans se faire assassiner, sinon on perd notre liberté ».

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